Miguel Torga
"Je serais capable de vivre loin de ma patrie dans la situation d'un immigrant qui gagne son pain. Je l'ai déjà fait d'ailleurs. Mais je ne pourrais jamais vivre loin d'elle en tant qu'écrivain. Il me manquerait le dictionnaire de la terre, la grammaire du paysage, l'Esprit Saint du peuple" écrivait Miguel Torga dans La Création du monde .
Voilà la passion qui anime "Les 45 Contes et Nouveaux Contes de la Montagne"(écrits et revus de 1939 à 1980) qui figurent parmi les textes les plus traduits de l'auteur. Son univers est au centre des montagnes du nord du Portugal. La vie des paysans y est rude, usante, sans issue ; il en fait une description crue et très réaliste.
....ça fait bien longtemps que je n'avais pas eu le plaisir de découvrir des contes.
Tout d'abord, à la lecture de Torga et en parcourant sa biographie, j'ai trouvé quelques similitudes avec Francisco Coloane (déjà ça m'a bien plu...) : même refus de la dictature, même jeunesse errante et aventureuse (il a travaillé au Brésil), même désir de témoigner pour les humbles et les opprimés,propos lapidaires décrivant un monde dur dans une prose dépouillée.
Mais l'auteur était également médecin, ce qui rend encore plus sensible son évocation de la souffrance des êtres dont il décrit l'existence.
Je pense qu'il ne faut pas lire ces contes de façon linéaire...mais picorer, savourer, laisser de coté, reprendre selon l'humeur et l'instant...comme un bon vin (ou un porto mais je sais pas si on fait ça avec du porto ??)...le garder en bouche pour en tirer tout le bouquet.
Ces nouvelles sont si denses et si ramassées qu'il faut du temps pour s'en remettre..
En 3 ou 4 pages tout est dit, le décor est planté, les héros cernés, la tragédie consommée ou l'instant de bonheur installé...J'ai été éblouie par le style épuré et le travail d'orfèvre sur les mots...du grand art vraiment (formidable traduction de Claire Cayron)
Tout est vivant dans ces histoires...animisme littéraire (?), le village est un personnage au même titre que les sentiments, les hommes, la pluie, les bêtes, le vent...une galerie de portraits qui fait de chaque nouvelle un mystère tels qu'on les jouaient au Moyen Âge sur le parvis des églises pour l'édification des bons Chrétiens
Parfois un sourire vient aux lèvres...C'est le monde de Don Camillo en plus sérieux ... un univers oublié de tous où se cotoient pauvreté, superstition et envoûtements, jalousies, saints patrons, foires, ivrognes, filles engrossées.. tableaux antiques pétris d'humanité...On pense à Maupassant..
Ces contes "touchent" à l'universel...pour partir bien au-delà de ces montagnes où la nature sauvage a fait les hommes à son image, bruts et authentiques. Les histoires pourraient aussi bien se dérouler dans les Cévennes ou le maquis corse ..
Ces contes "touchent" à l'universel...pour partir bien au-delà de ces montagnes où la nature sauvage a fait les hommes à son image, bruts et authentiques. Les histoires pourraient aussi bien se dérouler dans les Cévennes ou le maquis corse ..
Une expérience, cette lecture ; on reste la bouche sèche, marqué par l'intensité de ces courts récits auxquels on pense bien longtemps après...
Merci beaucoup Carine pour ce beau voyage immobile...
Ouf, cette photo me rend sacrément nostalgique...
RépondreSupprimerQuel beau billet ! Je me réjouis d'avoir ce livre dans ma bibliothèque, tu me décides à arrêter de tourner autour de lui :-)
oui un livre fort vraiment...qui véhicule des valeurs universelles ; des contes hors du temps qu'on peut s'imaginer raconter à la veillée près d'un feu...j'ai adoré
RépondreSupprimer